Un ami nous a quittés
|Nous venons d’être informés, avec une immense tristesse, de la disparition de notre ami et ancien membre éminent du club Pau Henri IV, Francis Tugayé.
Fidèle joueur du club dans les années 1980-2010, il nous enchantait avec ses études toujours plus spectaculaires les unes que les autres, certaines de ses plus belles créations, sur le thème Herlin, restant encore dans les mémoires (mais pas dans nos archives papiers, hélas). Il se qualifiait de perfectionniste dans ce domaine, et effectivement il le fut, en mettant 20 ans à produire et à peaufiner un magnifique problème multi-coups, son chef d’œuvre reconnu (que nous espérons retrouver bientôt).
En attendant, voici une illustration du thème Herlin, dont il était spécialiste :
(Solution en bas)
Pilier de l’équipe 1 du club, il s’était fait une réputation particulière en terminant systématiquement ses parties dans des zeitnots absolument incroyables, qui l’ont vu bien des fois perdre sur un seul coup malheureux, des parties brillantes contre de nombreux forts joueurs titrés. Mais cela était secondaire, l’important était de réaliser de belles parties, artistiques et bien construites, qu’il pouvait ensuite montrer avec fierté, sur les premiers Chessbase (car il était très technophile), aux nombreux jeunes du club qu’il à formé.
Amoureux des positions fermées de type hérisson, il était ainsi devenu redoutable dans l’exercice qui consiste à libérer son camp par des poussées de pions centrales à l’approche des contrôles de temps. Son modèle résonne encore sur certains de nos anciens et toujours jeunes !
Francis s’était aussi fait connaitre dans toute la France et même dans le monde entier, par cette particularité unique qui consistait à dessiner littéralement les pièces sur sa feuille de partie. On a même vu des joueurs qui prenaient en photographie, ses feuilles de parties, véritables petites œuvres d’art avec des minuscules cavaliers, tours, fous ou dames couronnées, dessinées avec passion…et qui expliquaient sans doute ses difficultés de gestion du temps.
[capture feuille de partie transmise par la famille]
Parti à la retraite, s’est tout naturellement qu’il s’est tourné vers d’autres formes d’expression artistiques, en se spécialisant dans la création de « Haiku », petits poèmes très courts d’inspiration japonaise pour exprimer la fugacité d’un sentiment, la force des non-dits, à propos de la nature et des saisons. Il était devenu, là aussi un expert national reconnu et publié dans ce domaine, essayant de transcrire en français une sensibilité très propre à la langue japonaise . Qu’on en juge avec un de ses premiers haïku, très mystérieux, évoquant le tableau la Pie de Claude Monet (1869) :
Neige intacte
des monts jusqu’à la barrière du champ.
Tiens, une pie.
Francis Tugayé, 2005.
Expliquant ses mots étranges, il nous disait que tout était entre les mots, entre les lignes…
Revenu vers son club d’échecs d’origine, à Tarbes, il a, par la suite, petit à petit abandonné la déesse Caissa, pour se consacrer à l’étude des contours, là aussi inépuisables, du jeu de GO, tout en alimentant sa culture immense de cinéphile et de passionné de Jazz.
Au revoir, Francis. Ton éloge permanente du beau jeu et des formes géométriques épurées, t’a sans doute conduit là haut, tout là haut, sur les hauteurs du Mont Fuji.
Parmi les graffitis
un nom illuminé
Le tien
Bashô Matsuo (XVIIème siècle)
Solution : 1.Rc7 ! Ra6 2.Ff6 Ra5 3.Fd8 Ra6 4.Rb7 #